Soutenance
La soutenance a eu lieu le 7 décembre 2020 en salle des conseils à l’Université Paris II. Après délibération, le jury a élevé Madame Suzanne Vergnolle au grade de docteure en droit avec la mention très honorable et ses félicitations à l’unanimité.
Prix de thèse
Cette thèse a été récompensée par le Prix de thèse France-Amériques le 7 mars 2022. Le Prix de Thèse a été remis par Mme Marie-Laure Denis, Présidente de la CNIL.
Composition du jury
- Monsieur Jérôme Passa - Professeur des Universités (Université Paris II Panthéon-Assas), directeur de thèse
- Madame Valérie-Laure Benabou - Professeur des Universités (Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / Paris-Saclay)
- Monsieur Thibault Douville - Professeur des Universités (Université de Caen Normandie), rapporteur
- Madame Nathalie Martial-Braz - Professeur des Universités (Université de Paris), rapporteur
- Madame Judith Rochfeld - Professeur des Universités (Université Paris I), présidente
Résumé de la thèse
À la croisée de l’informatique et des sciences juridiques, le droit des données à caractère personnel est souvent perçu comme une matière dense et d’accès difficile. Son intérêt est pourtant de premier ordre puisqu’il constitue l’une des clés essentielles de la protection des personnes à l’ère numérique. Grâce à des analyses juridiques et techniques claires, didactiques et pertinentes, le présent travail contribue à lever de nombreuses incompréhensions et offre une vision stimulante du droit des données à caractère personnel.
La première partie démontre, à rebours de l’opinion majoritaire, que la notion de donnée à caractère personnel ne doit pas être entendue trop largement. Il y est d’abord rappelé dans le premier titre que la notion a été élaborée pour couvrir toutes les situations dans lesquelles une donnée peut se rapporter, même très indirectement, à une personne physique. C’est ainsi que la CNIL a pu considérer que les données relatives à un abre, lorsqu’elles sont croisées avec celles du cadastre, peuvent se rapporter à une personne physique et doivent donc être qualifiées de données à caractère personnel. L’interprétation retenue par les autorités de protection et les juges engendre donc une application diluée de la notion. Par conséquent, le deuxième titre montre qu’un tel mouvement a tendance à diminuer la protection générale des personnes. Cette expansion de la notion engendre également des effets négatifs sur les autres libertés, notamment celles d’information et d’expression. En s’appuyant sur le lien entre le droit au respect de la vie privée et le droit des données à caractère personnel, la présente thèse propose de cantonner la notion en suivant une approche téléologique. Selon cette approche, la donnée a un caractère personnel dans deux situations seulement : soit elle a un lien direct avec la personne, soit son traitement permet d’effectuer un tel lien. Cette approche appelle au renforcement du régime juridique associé.
La seconde partie de la thèse analyse le régime du droit des données à caractère personnel et propose différentes perspectives d’évolution. Après avoir montré que le droit positif n’offre qu’une protection relative des personnes dont les données sont traitées, le premier titre de cette partie met en avant les autres intérêts pris en compte par le législateur, particulièrement celui des responsables du traitement. Dans cette perspective, et pour éviter des stratégies de contournement qui auraient pour effet d’amoindrir la protection des personnes, le présent travail soutient l’existence d’un contrat spécial de traitement des données personnelles. D’autres évolutions du droit positif sont proposées, telles qu’un encadrement du droit à l’oubli, une évolution de l’accès des tiers aux données, ainsi que la consolidation du principe de minimisation de la collecte des données. Le second titre analyse la mise en œuvre du droit des données à caractère personnel. Une amélioration de celle-ci apparaît nécessaire et passe par un meilleur contrôle des acteurs de son application, notamment les autorités de protection. Enfin, c’est au stade de la réalisation juridictionnelle qu’il est possible d’effectuer de nouveaux rapprochements entre le droit au respect de la vie privée et le droit des données à caractère personnel. Deux propositions sont ainsi exposées. La première, d’ordre processuel, suppose un renforcement des actions de groupe en matière de données à caractère personnel. La seconde, d’ordre substantiel, consiste en une nomenclature des préjudices extrapatrimoniaux résultant des manquements au droit des données à caractère personnel. Cette nomenclature répond aux difficultés d’identification des préjudices en matière de droits de la personnalité et à un besoin pressant des juridictions et des associations de mieux cerner les préjudices pouvant résulter des traitements de données. Le présent travail offre une vision riche et complète du droit des données à caractère personnel. Il est porteur de multiples réflexions et propositions à destination des praticiens et des régulateurs. Le droit comparé et les mises en perspective techniques éclairent le propos et l’ancrent dans la réalité des traitements de données.